Dialogue entre l’écrivaine Marie Cosnay, l’anthropologue Carolina Kobelinsky et la géographe Camille Schmoll
En matière de migrations, d’exils ou de déplacements, que peut-on opposer au lexique des « flux », aux hantises de submersion qu’il charrie, à l’indifférenciation des corps qu’il suggère et à l’indifférence qu’il instille ? Penser par lignes peut-être : apprendre à reconnaître et distinguer des trajectoires si par là on entend à la fois des trajets d’un continent l’autre, et des parcours de vie où se lient géographie et biographie. Comprendre, aussi, comment ces lignes viennent se briser sur d’autres, le long de frontières dont les exilé.e.s savent que leur tracé ne se contente pas de séparer d’un trait net les États, mais doit pour isoler l’Europe s’insinuer au cœur des pays et hachurer les existences. Décrire, aussi, les destins de celles et ceux qui y survivent, et de tant d’autres que ces lignes brisées tuent, noient, dispersent : quelle écriture, combien de lignes pour témoigner de ces existences survivantes ou brisées, pour refuser qu’elles s’effacent à l’horizon de nos consciences ? Vers quels croisements et quelles lignes de front porter notre solidarité ?
Modérateur : Mathieu Potte-Bonneville, Directeur du département du développement culturel du Centre Pompidou