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Josep Rafanell i Orra est psychologue et écrivain. Il travaille depuis plus de 30 ans dans des institutions de soin. Son travail de réflexion et ses interventions portent sur la création de communs de soin. Il est l’auteur de En finir avec le capitalisme thérapeutique. Soin, politique et communauté (rééd. Éditions Météores, 2022) et de Fragmenter le monde (Éditions Divergences, 2017). Il a participé aux Cahiers d’enquêtes politiques (Les Éditions des mondes à faire, 2016) et coordonné le livre collectif Itinérances (Éditions Divergences, 2018) à la suite de trois ans d’un séminaire aux Laboratoires d’Aubervilliers. Il anime Les Communaux, constellation d’interventions œuvrant à la réappropriation de nos rapports à des milieux de vies plus dignes, notamment dans les milieux du soin.
Plus de dix ans après la première édition d’En finir avec le capitalisme thérapeutique, le constat reste le même : les institutions poursuivent tant bien que mal leur travail de normalisation et de contrôle, même si elles n’en restent pas moins, mais de plus en plus rarement, des lieux d’hospitalité. Les enquêtes et réflexion contenues dans ce livre traçaient quelques prolégomènes de la si bien nommée « crise du social » qui s’est approfondie avec l’accélération des ravages néolibéraux. Si deux nouveaux textes, en guise d’introduction et d’épilogue, en tirent quelques conséquences au plus près de notre actualité, la question demeure : aux frontières de la psychiatrie et des univers de l’assistance sociale, comment contribuer à la résurgence de formes d’entraide et de coopération? Comment cultiver des milieux de vie contre l’ordre brutal de la négligence qui prétend nous gouverner? Qu’en est-il des fabriques d’alliances entre lutte et guérison?
En interrogeant la relation thérapeutique, Josep Rafanell i Orra en tire une conclusion: celle-ci n’est rien d’autre qu’un travail de « communisation » dans lequel sont pris aussi bien le thérapeute que le « patient ». On suivra l’auteur à travers des enquêtes où surgissent des situations où s’entrelacent des manières d’exister, là où « les polices du social » ne voient que des surnuméraires à réintégrer dans l’économie et des sujets à gouverner. Ces devenirs préfigurent toute « scène thérapeutique » préinstituée et contribuent à l’épaississement des mondes.
La réactivation d’une culture des attentions est aussi celle de nos interdépendances localisées. Alors, mettre en partage des expérimentations, œuvrer à leur mise en résonance et à des transversalités, c’est susciter les zones formatives de l’expérience et participer à l’éclosion de lieux singuliers à la place des espaces administrés.