© Victoria Brun

Jérôme Denis est sociologue. Il est professeur à l’École des Mines de Paris, rattaché au Centre de sociologie de l’innovation de Mines Paris-PSL. Ses recherches portent sur le travail des données et les pratiques de maintenance. À partir d’enquêtes menées au sein d’entreprises de différents secteurs et d’administrations publiques, il cherche à comprendre ce qui se joue dans les opérations de fabrique et d’entretien des données et dans les modalités de leur invisibilisation relative. Au fil de ces investigations, il met en lumière la diversité des relations qui se tissent entre ce qui compte comme données et ce qui compte comme travail. Avec David Pontille, il développe par ailleurs un programme de recherche sur le rôle et l’organisation des activités de maintenance, qui vise à décentrer la focalisation quasi exclusive des Science and Technology Studies sur les dynamiques d’innovation. Ce programme de recherche se traduit par des enquêtes ethnographiques au long court, aujourd’hui principalement menées du côté des activités urbaines (maintenance de la signalétique du métro, politique d’effacement des graffitis, gestion patrimoniale des réseaux d’eau), et alimente une réflexion théorique collective en cours à l’échelle internationale qui accompagne l’émergence de maintenance and repair studies. Il a coécrit avec David Pontille : Petite sociologie de la maintenance (Presses de Mines, 2010) et Le soin des choses (La Découverte, 2022).

 

Qu’ont en commun une chaudière, une voiture, un panneau de signalétique, un smartphone, une cathédrale, une œuvre d’art, un satellite, un lave-linge, un pont, une horloge, un serveur informatique, le corps d’un illustre homme d’État, un tracteur ? Presque rien, si ce n’est qu’aucune de ces choses, petite ou grande, précieuse ou banale, ne perdure sans une forme d’entretien. Tout objet s’use, se dégrade, finit par se casser, voire par disparaître. Pour autant, mesure-t-on bien l’importance de la maintenance ? Contrepoint de l’obsession contemporaine pour l’innovation, moins spectaculaire que l’acte singulier de la réparation, cet art délicat de faire durer les choses n’est que très rarement porté à notre attention.
Ce livre est une invitation à décentrer le regard en mettant au premier plan la maintenance et celles et ceux qui l’accomplissent. En suivant le fil de différentes histoires, ses auteurs décrivent les subtilités du  » soin des choses  » pour en souligner les enjeux éthiques et la portée politique. Parce que s’y cultive une attention sensible à la fragilité et que s’y invente au jour le jour une diplomatie matérielle qui résiste au rythme effréné de l’obsolescence programmée et de la surconsommation, la maintenance dessine les contours d’un monde à l’écart des prétentions de la toute-puissance des humains et de l’autonomie technologique. Un monde où se déploient des formes d’attachement aux choses bien moins triviales que l’on pourrait l’imaginer.

Participations à La Manufacture d'idées

  • 25 août 2023

    Prendre soin des choses