Sous la semblance de silhouettes ou de coups frappés sur les murs, de parfums divers et pourtant chaque fois immanquablement évocateurs, de cris d’animaux déchirant la nuit comme aucun animal ne saurait naturellement le faire, les morts apparaissent en effet parfois à ceux qui leur survivent. Pour les étudier, l’ouvrage raconte et analyse toutes les techniques imaginées par les vivants pour empêcher les morts de revenir. Ce panorama est le prétexte dans le même temps à un renversement de taille. Plutôt que de les envisager a priori comme l’expression d’un moment historique ou d’une situation sociale, cette anthropologie ose en faire de réels sujets. Nous nous plaisons à imaginer que les humains ont inventé les rituels funéraires pour arrêter d’ oublier ; nous nous plaisons même à imaginer que c'est ce geste démiurgique qui a fondé du même coup l’humanité et la culture. Et si la mort avait toujours été déjà là ? Et si l’humanité était née hantée ? Le geste premier, s’il y en eut un, aurait alors été un geste d’exorcisme : les rituels funéraires et la culture auraient été mis au point – par d'habiles médiums – pour enfin limiter, encadrer leurs existences débordantes, sinon pour offrir aux vivants le confort temporaire du silence de leurs défunts. Et si le fantôme précédait l’ancêtre ?