Vendredi 30 mai : 20h45 – tarif plein 7 € / tarif réduit 5 €

Un spécialiste est un drame judiciaire qui dresse le portrait d’un bureaucrate zélé respectueux de la Loi et de la hiérarchie, un fonctionnaire de police responsable de l’anéantissement de plusieurs millions de personnes, un criminel moderne.

Loin du personnage de pervers sanguinaire ou de menteur machiavélique que décrit le procureur, l’accusé apparaît comme un père tranquille, à la fois comique et terrifiant. S’il ne nie pas son rôle dans l’industrie du crime à laquelle il a appartenu, il s’abrite derrière les instructions de ses supérieurs, son serment de fidélité et l’obligation d’obéir aux ordres.
Il estime que son rôle d’exécutant, purement administratif et logistique, dénué de toutes passions, le met à l’abri de la justice des hommes, même s’il ne l’exonère pas de toute responsabilité.

L’accusé, Adolf Eichmann, est un homme de taille moyenne, la cinquantaine, myope, presque chauve et affublé de tics nerveux. Tout au long de son procès, il est assis dans un box de verre, entouré de documents soigneusement empilés qu’il annote, relit et feuillette inlassablement. Expert en émigration, spécialiste de la “question juive”, responsable du transport des “déportés raciaux” vers les camps nazis entre 1941 et 1945, il décrit son travail avec une précision bureaucratique étouffante. Face à la cour et aux victimes rescapées de l’enfer qui se succèdent à la barre des témoins, il reconnaît avoir fourni aux usines de la mort le contingent humain à détruire. Il s’évertue à exposer le conflit entre son devoir professionnel et sa conscience humaine et insiste sur le fait que personne ne peut lui reprocher d’avoir mal fait son travail. Enivré du vertige de sa propre impuissance, l’accusé se décrit comme “une goutte dans l’océan, un instrument dans les mains de forces supérieures”. S’il ne l’avait pas fait, dit-il, un autre l’aurait fait à sa place.

Le contraste entre la monstruosité du crime et la médiocrité de l’accusé frappe au premier regard et plus encore à mesure que se succèdent les treize scènes qui composent ce long-métrage documentaire.
Un spécialiste relate le procès extraordinaire de cet homme effroyablement ordinaire. Réalisé exclusivement à partir des 350 heures d’images inédites enregistrées lors du procès spectaculaire d’Adolf Eichmann, qui eut lieu à Jérusalem en 1961, ce film sur l’obéissance et la responsabilité dresse le portrait d’un spécialiste de la solution des problèmes, un criminel moderne.