Né en 1940, Jean-Luc Nancy est philosophe, professeur émérite de l’université de Strasbourg où il enseigna jusqu’en 2004. Marquée par ses amitiés avec Jacques Derrida et Philippe Lacoue-Labarthe, sa pensée se déploie comme une « déclosion » de sens, une ouverture à la « pesée » du monde. Il a publié une centaine d’ouvrages sur les arts, la ville, le corps ou la politique. Parmi ces publications : La communauté désœuvrée (Christian Bourgois, 1986), Être singulier pluriel (Galilée, 1996), L’intrus (Galilée, 2000), L’Équivalence des catastrophes (Après Fukushima) (Galilée, 2012).
Extraits de L’Équivalence des catastrophes (Après Fukushima)
« Toutes les catastrophes ne sont certes pas équivalentes. Mais l’équivalence dont on veut parler ici est celle qui met en correspondance et qui fait circuler dans la communication et dans la consommation générales tous les éléments de notre existence – les vies, les biens, les forces, les énergies.
Le signe, le porteur de cette circulation n’est autre que la valeur en tant qu’argent, ou valeur du « marché » : l’« équivalence générale » dont parlait Marx. C’est elle qui propage une catastrophe généralisée. »
« Voici maintenant le nom de Fukushima. Il est accompagné du privilège sinistre qui le fait rimer avec Hiroshima. Il faut évidemment se méfier de se laisser entraîner par cette rime et son rythme (…) Il ne faut en effet pas confondre le nom d’Hiroshima – cible d’un bombardement ennemi – et celui de Fukushima dans lequel se mêlent plusieurs ordres de phénomènes naturels et techniques, politiques et économiques.
En même temps, il n’est pas possible de se détourner de ce que suggère la rime des deux noms. Car cette rime recueille – à son corps défendant et contre toute poésie – le ferment d’une proximité. Il s’agit, on ne cesse pas depuis le 11 mars 2011 de remâcher cette pilule amère, de l’énergie atomique. »