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Jean François Billeter @DR

Jean François Billeter est sinologue. Né à Bâle en 1939, il a été professeur d’études chinoises à l’université de Genève avant de se consacrer à ses propres travaux. Qu’il s’agisse de ses études sur certains textes du philosophe Tchouang-Tseu (mort vers l’an 280 avant notre ère) ou sur la calligraphie (L’art chinois de l’écriture), J. F. Billeter allie la plus grande rigueur scientifique au souci constant de se faire comprendre des lecteurs non sinologues, à la fois par la clarté de l’expression et par la richesse des références à des éléments de l’héritage occidental, ou simplement à l’expérience commune. Il a toujours combattu le relativisme culturel, qui veut qu’une société doit être exclusivement comprise à travers ses propres idées et jugée selon ses propres critères. Il a toujours jugé néfaste ce point de vue très répandu dans les études chinoises, dans l’opinion chinoise et, de plus en plus, dans l’idéologie du régime de Pékin.

Dans ses derniers essais, Un paradigme et Esquisses, il propose justement une conception du sujet humain qui rapproche la pensée chinoise de la philosophie occidentale moderne. En 2017, il a publié deux brefs récits dédiés à son épouse, Wen, décédée à l’automne 2012. Dans Une rencontre à Pékin, il évoque sa rencontre avec cette jeune femme médecin, durant ses études à Pékin dans les années 60, et les obstacles qu’ils durent surmonter pour pouvoir se marier dans cette Chine précédant la Révolution culturelle. Une autre Aurélia est constitué des notes que J. F. Billeter a prises depuis la mort subite de Wen, il y a cinq ans. Ce sont des observations précises sur le rôle joué par l’émotion, l’imagination et la mémoire dans de telles circonstances, et sur les « opérations salvatrices » qui créent d’elles-mêmes de nouveaux équilibres. Deux ouvrages où la chronique, l’observation et la réflexion sont étroitement liées, et où l’écriture est d’une élégance constante.

Bibliographie (sélection) : L’Art chinois de l’écriture (Skira, 1989), Chine trois fois muette (Allia, 2000), Contre François Jullien (Allia, 2006), Notes sur Tchouang-tseu et la philosophie (Allia, 2010), Un paradigme (Allia, 2012), Esquisses (Allia, 2016), Une rencontre à Pékin (Allia, 2017), Une autre Aurélia (Allia, 2017)

Extrait

« Quand un enfant apprend à verser de l’eau dans un verre, il doit accorder divers mouvements pour que de leur combinaison naisse le geste. L’assemblage des mouvements exige de l’attention et de la persévérance : l’enfant accomplit un certain travail. À un moment donné, le geste surgit. Il naît d’un phénomène d’intégration qui se produit dans l’activité du corps. À l’effort succède la facilité. L’enfant a acquis un pouvoir d’agir, il peut désormais produire le geste à volonté, de façon effective ou intériorisée, c’est-à-dire imaginée : il peut se le représenter et le comprendre de l’intérieur quand il le voit fait par d’autres. Cela vaut pour tous les pouvoirs d’agir que nous avons acquis depuis notre plus petite enfance, ceux du « corps » et ceux de « l’esprit ». Du point de vue de l’activité et des lois qui lui sont inhérentes, cette opposition n’a pas de sens. » (Esquisses)

 

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